A L’Escale Circulaire et chez Entremise nous sommes pour la réutilisation et la requalification de bâtiments existants mais parfois, quand les bâtiments sont en trop mauvais état, favoriser leur rénovation et la déconstruction plutôt que la démolition est la démarche à imposer : vive le remploi de matériaux!
Réemploi =/ Recyclage
Le réemploi de matériaux à l’échelle d’un bâtiment consiste à récupérer et réutiliser quasi tel quel ces éléments, à de nouveaux endroits. Une fenêtre reste une fenêtre.
À ne pas confondre avec le recyclage qui implique une transformation. Par exemple, le PVC des fenêtres devient des tuyaux, les vitres sont fondues et transformées en bouteilles.
Le réemploi est la démarche à privilégier car c’est l’opération la plus vertueuse après la réduction à la source selon le principe du 3RV (réemploi, réutilisation, recyclage, valorisation). La définition du réemploi se lit comme: «Une utilisation répétée d’un produit ou d’un emballage, sans modification de son apparence ou de ses propriétés.» Ainsi, le réemploi est une façon de retarder l’étape du recyclage, de la valorisation ou, ultimement, de l’élimination d’un bien.
Généraliser le réemploi permet de réduire la production de déchets or les résidus de CRD (Construction-Rénovation-Démolition) représentent ⅓ du total des matières éliminées au Québec et finissent pour la plupart en centre d’enfouissement.
D’autre part, le réemploi de matériaux pallie la voracité du secteur en ressources vierges, il convient d’utiliser le parc immobilier comme une mine urbaine pour réduire l’extraction des ressources. Ainsi, pour façonner une économie circulaire à Montréal, l’organisme Circle Economy suggère de prioriser les pratiques circulaires dans le secteur de la construction et dans le secteur manufacturier, qui représentent ensemble plus de 60 % de la consommation de matériaux vierges de la ville.
Pas si facile
Si cette démarche peut paraître logique et cohérente, de nombreux freins empêchent sa généralisation et rendent les opérations de réemploi coûteuses. En voici quelques exemples :
- Coût de la dépose : dans notre système, cela coûte malheureusement moins cher d’acheter du neuf que de déconstruire, conditionner et acheminer des matériaux.
- Expertise : il est nécessaire d’avoir de nouvelles pratiques professionnelles qui maîtrisent des techniques de déconstruction et des acteur·rice·s spécialisé·e·s pour chaque filière.
- Manque de débouchés : les nouvelles constructions doivent aussi prévoir d’intégrer des matériaux issus du réemploi.
- Garantie et intégrité des matériaux : comment peut-on s’assurer de la conformité des matériaux s’ils ne sont pas neufs, cela pose des questions de responsabilité et d’assurance. Certains matériaux peuvent être contaminés (amiante, plomb) ce qui empêche leurs possibilités de réemploi.
- Échéanciers : l’intégration du réemploi dans les échéanciers de chantier, déjà très complexes et multi-partenaires peuvent freiner ces initiatives.
Un avenir prometteur
Toutefois, face à la raréfaction des ressources et les difficultés d’approvisionnement conséquentes, la demande pour les matériaux issus du réemploi est grandissante!
En Europe, certains leviers réglementaires existent comme l’imposition de minima de matériaux recyclés et de matériaux de réemploi dans les marchés publics ou encore l’obligation de réaliser un diagnostic « PEMD », pour Produits – Équipements – Matériaux – Déchets avant une opération de démolition ou de rénovation.
À Montréal, si la filière reste encore balbutiante, de nouvelles initiatives émergent. On peut citer le jeune organisme Surcy qui fait office d’entremetteur entre celleux qui ont des matériaux et celleux qui en ont besoin. Reco qui se spécialise dans la récupération de matériaux de construction et de composantes architecturales et patrimoniales. Brique-Recyc qui permet de remettre en circulation des briques issues de chantier. Ou encore le Lab construction du CERIEC qui diffuse actuellement les résultats de 3 ans de travail et d’expérimentation sur la circularité de ressources dans le secteur de la construction.
Une étude sur le potentiel de réemploi sur le site de l’Escale circulaire
©Vincent Lemay
La récente feuille de route en économie circulaire de la Ville vise le secteur de la construction et témoigne de la volonté des pouvoirs publics d’agir en priorité sur cette chaîne de valeur.
Le bâtiment de l’Escale circulaire sera détruit dans les prochaines années. C’est un héritage des années 50, et une étude réalisée par des étudiant·e·s à la maîtrise en Design de l’environnement à l’UQAM en partenariat avec l’entreprise belge ROTOR dévoile plusieurs pistes pour y favoriser le réemploi. Une piste intéressante pour un projet pilote avant le déploiement du nouveau projet immobilier?… 👀
Sources
Circle Economy, Montréal circulaire–Évaluation de référence, 2022
Ville de Montréal, Feuille de route économie circulaire, 2024
Entremise, CERIEC, Guide de recommandations pour faciliter le réemploi de l’existant et la requalification du patrimoine bâti, 2024